L’Océan reste, aujourd’hui encore, l’une des grandes inconnues de notre siècle. Seuls 5 % des mers et océans de la planète ont été explorés et des milliers d’espèces marines restent à découvrir. C’est en 1962 que le chimiste et biologiste japonais Osamu Shimomura a résolu l’énigmatique fluorescence des coraux qui nous fascine tant. Suivez-nous sur les traces de cet animal millénaire.
L’EXTRAORDINAIRE HISTOIRE DES CORAUX
Les coraux sont aussi mystérieux que magiques. Ils remontent à près de 600 millions d’années. On les retrouve dans les écrits de la Grèce antique chez Aristote, qui les regroupe sous le genre d’«orties de mer » aux côtés des méduses, et dans les Métamorphoses d’Ovide, au travers du mythe de Persée et d’Andromède, où le regard de la Gorgone Méduse (corail en grec : « Gorgeia ») les pétrifia, donnant naissance à des algues molles qui durcissent à l'air.
Au Moyen Âge, la croyance suggérait de cacher dans sa bourse ou dans sa poche un morceau de corail en guise de talisman contre la sorcellerie.
Aujourd’hui, nous savons que le corail est à la fois un animal, un végétal et un minéral qui appartient à la famille des cnidaires (groupe d'animaux marins, ou, plus rarement, d'eau douce, au corps mou, simple, constitué d'une bouche entourée de tentacules).
Le mode de vie des coraux semble rythmé par deux activités principales : se nourrir, et participer à la construction du squelette commun à la colonie (les coraux solitaires sont plutôt rares). Ils sont de ce fait à la recherche de la lumière.
LA FLUORESCENCE DES CORAUX
La fluorescence des coraux est un phénomène étrange et pourtant totalement naturel, lié à la production d'une protéine, la GFP (green fluorescent protein). La GFP est une protéine fluorescente verte issue de la méduse Aequorea victoria, qui lui permet de réémettre une partie de la lumière absorbée.
On vous explique : la fluorescence est un processus dans lequel un atome absorbe de l'énergie, généralement de la lumière à une certaine longueur d'onde, et la réémet immédiatement (ou dans un intervalle de quelques nanosecondes) sous forme de rayonnement dans une autre longueur d’onde, autrement dit une autre couleur : rouge, verte, bleu, orange, violette.
Selon les études menées depuis les années 1940, la fluorescence des coraux permettrait d’améliorer le rendement photosynthétique en augmentant la quantité de longueurs d'ondes nécessaires au processus de photosynthèse. Mais certains scientifiques avancent que la fluorescence serait également utilisée par les coraux à des fins stratégiques, afin de repousser ses prédateurs (à l’instar des poissons papillons, qui se nourrissent de corail).
Quoiqu’il en soit, la fluorescence est signe de bonne santé chez les coraux !
LA MEMOIRE ECOLOGIQUE DES CORAUX
Le réchauffement climatique a mis en lumière le rôle prépondérant des coraux dans les écosystèmes marins. Les coraux servent de digue naturelle, protégeant contre la houle ou les tsunamis et participent à la survie et la protection de milliers d’espèces. S’ils ne représentent que 0,2 % de la surface océanique mondiale, les récifs coralliens abritent en revanche un tiers des espèces marines.
Particulièrement sensible à la pollution et au réchauffement climatique, causes de leur « blanchiment » dû à l’acidification des océans (c’est en fait l’expulsion des zooxanthelles, ces petites algues vertes qu’il abrite, qui mène à son blanchiment), le corail n’a pourtant pas dit son dernier mot. En effet, une étude récente tend à montrer la capacité d’adaptation des coraux au réchauffement climatique, grâce à une meilleure résistance aux nouvelles vagues de chaleur (les scientifiques auraient relevé 20% de blanchiment de moins que leurs prévisions)[1].
Pour arriver à cette conclusion, les chercheurs ont mis en évidence la « mémoire écologique » du corail, qui leur permettrait de devenir, avec le temps, plus résistants. Et la fluorescence devient une arme à caractère photoprotectrice pour lutter contre ce blanchissement : en produisant de la fluorescence, les coraux créent les conditions favorables à un retour des zooxanthelles.
Pour autant, l’accélération du réchauffement climatique reste extrêmement préoccupante pour l’avenir de l’ensemble de la biodiversité marine. La fréquence de blanchiment des coraux aurait ainsi quintuplé depuis les années 1980 !
Ce sujet vous passionne ? Retrouvez le dossier spécial consacré à la fluorescence des coraux, publié en 2015 par Futura Planète : https://www.futura-sciences.com/planete/dossiers/nature-incroyable-fluorescence-coraux-1994/
[1] Hughes, T.P., Kerry, J.T., Connolly, S.R. et al. Ecological memory modifies the cumulative impact of recurrent climate extremes. Nature Clim Change 9, 40–43 (2019). https://doi.org/10.1038/s41558-018-0351-2